Mesdames, Messieurs *
Ceux qui ont connu Ghassan Tuéni ne peuvent se réunir sur son nom et sa
mémoire ici même sans une grave, sans une grande émotion. Voici le premier
salon qu’il ne seconde pas de près ou de loin ou même de près et de loin. Il
était là par ses nouvelles parutions, ses visites aux stands, ses plaisanteries
et encouragements, ses participations aux tables rondes, ses invitations à Beit
Méry qu’a si bien évoquées le poète Philippe Jaccottet et qui permettaient aux
auteurs libanais de rencontrer leurs homologues français, voire aux écrivains
et penseurs francophones de se rencontrer entre eux. Chadia était l’ange
gardien non seulement par ses délicieux mets (Ghassan se plaisait à dire que ni
du temps de sa mère, ni du temps de Nadia on
n’avait aussi bien mangé chez les Tuéni), mais par sa conversation et
son accueil. Le salon du livre était pour Ghassan un espace aux dimensions de
sa générosité, une occasion de montrer son attachement à la culture et sa
prédilection pour le renouveau dans les lettres et arts, un impératif pour
redéfinir sa fidélité à Nadia Tuéni et sa poésie et sans doute à lui-même en
tant que poète qui n’a pas persévéré dans sa vocation et en tant qu’écrivain
qui n’a jamais cessé d’écrire et de biffer renouvelant le fond par la forme et la
forme par le fond.
La vie de Ghassan Tuéni fut longue non par le nombre des
années, mais par l’intensité et la variété des activités qu’il y a déployées,
par les causes qu’il a servies, par les réalisations qu’il a faites ou tenté de
faire. Ce soir donc, il ne sera pas question de tout Ghassan Tuéni, mais de trois
éclairages, et même de quatre, car le
professeur Henri Laurens nous parlera sans doute de l’acteur historique :
FOI, DROIT, LIBERTÉS, HISTOIRE.
Par la prééminence des choses, évoquons d’abord sa fidélité
religieuse. Homme de la foi chrétienne et orthodoxe sans séparation ni cassure,
mais dans un œcuménisme ouvert et heureux, Tuéni l’a toujours été. Sa vie le
montre amplement, son attitude devant les drames familiaux, ses croyances
approfondies, sa participation à la communauté des croyants, ses écrits, ses
lectures et ses sources, son coté bâtisseur de cathédrales et rénovateur de
patrimoine religieux…Cette foi est d’autant plus questionnante qu’elle est le
propre d’une volonté de puissance affichée, d’un homme qui n’a point
cessé de chercher à s’affirmer et d’aspirer
à étendre les libertés pour le faire. Elle est donc, comme foi, d’autant
plus riche et complexe.
Michel Eddé et Ghassan Tuéni ont longtemps appartenu à deux
clans politiques adverses. Mais ce qui les réunissait dépassait de loin ce qui
les séparait : les combats pour le Liban, son unité et sa souveraineté,
l’urbanité beyrouthine, la passion pour le journalisme, l’amour du
patrimoine, la foi et bien d’autres
choses…D’un Saint Georges l’autre. Je passe la parole à M. Michel Eddé.
Ghassan Tuéni était un passionné de la Justice, mais en
étudiant sa pensée j’ai eu l’impression qu’il donnait la priorité au renouvellement
des sociétés, à la circulation des élites, à la modernisation…Il revient au
Président Antoine Kheir, membre du conseil constitutionnel et ex premier président
de la cour de cassation de nous éclairer sur les rapports de Ghassan Tuéni et
du Droit.
Dans la dédicace qu’il a voulu donner au troisième tome de sa somme sur La Question
de Palestine, le professeur Henry Laurens, comme l’appelait toujours
Ghassan, a écrit : « Ce livre est dédié à Ghassan Tuéni qui a la
gentillesse de me faire croire qu’il apprend quelque chose de moi. En
témoignage d’affection et d’admiration. »
Il
va nous parler de cet extraordinaire acteur historique que fut GT.
Que pourrais-je dire de Marwan Hamadi compagnon de tous les
combats et partie prenante à toutes les passions de son beau frère? Je choisis
pour l’introduire ce propos de Ghassan et je sais qu’il l’appréciera sans
nécessairement s’y rallier. Nous parlions des druses. Ghassan me dit :
« Le propre du druse est de chercher à être imprévisible. » Puis il
enchaîna : « En ce sens, Marwan Hamadi n’est pas druse, car on peut
voir ce qu’il va faire ! » Ce soir il est donc à l’épreuve et peut
être va-t-il nous surprendre.
* Le mot du modérateur à la table ronde du 1/11/2012 au Salon du livre français du Biel.
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