Wednesday 11 August 2010

NADIA TUENI-CICI SURSOCK


        
              On penserait au premier abord à deux artistes issues de familles patriciennes d’Achrafieh, mais rien ne serait plus faux, car le poète (Nadia détestait le mot poétesse) et le peintre ne sont Tuéni et Sursock que par alliance. La première (1935-1983) est issue des Hamadé, grands notables du Chôuf, « un oiseau grandement solitaire/avec des voiles blancs et des gestes de mort », la seconde (née Tommaseo en 1923) est d’origine croate et installée à Beyrouth depuis 1965 après un long séjour en Égypte.
              En 1968, Nadia a 33 ans. Épouse de Ghassan Tuéni à la tête de l’empire de presse du Nahar, elle s’occupe un peu de journalisme, fréquente les milieux artistiques et littéraires et compte parmi ses amis de nombreux peintres. Elle peint à ses heures et sa photogénie est alors légendaire. Mais surtout elle s’est imposée comme un grand poète francophone à travers 3 recueils où elle ne cesse d’approfondir sa quête poétique. Le premier paraît à Beyrouth, les deux autres chez Seghers à Paris: Les Textes blonds (1963), L’Âge d’écume (1965), Juin et les mécréantes (1968).
             Cici Sursock, probablement sur commande, lui consacre en cette année deux œuvres : un grand pastel en couleurs claires où l’artiste, tout en puisant comme à l’accoutumée dans les ressorts de l’art de l’icône, donne à voir une beauté bien temporelle avec d’immenses yeux en amande ; une toile à l’huile où le portrait précèdent n’est qu’un des 3 visages de la même femme, celui du haut. Sont-ce là 3 âges ? Ou bien 3 manifestations également séduisantes d’une même figure, ou 3 aspects (ou angles) d’un même personnage ? Y oppose-t-on intériorité et apparence, vitalité et forces sombres, beauté naturelle et œuvre à réaliser?
              Mais outre l’énigmatique, et pourtant simple, trinité, deux choses retiennent l’attention : l’aspect totémique et « longiligne » de l’ordonnance, et la prédominance du rouge et du noir. Celle ci n’est pas étrangère au peintre, mais elle saisit ici les sources tragiques de la poésie de Nadia : la mort cheminant de l’intérieur et le « pays que l’on perd un jour sur le chemin ».

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