A Leila
Il est des morts qui libèrent leurs propriétaires, et je ne
te pense pas de ceux-là. L’ange gardien ne retourne que soucieux à ses
paroissiens.
Ta mort, par sa pudeur même, présentait des excuses car tu
ne voulais, en dépit des douleurs et de la peur, importuner personne. Et ainsi
fut ta vie entière. Tu as continué à incarner le sacrifice jusqu’à ma peur de
sa grandeur en toi, et je l’ai haï tant il m’a montré l’infamie de mon égoïsme.
O ma seconde mère ! Ma face errante était entre tes
mains à ton agonie quand tu posas les doigts avec une grâce infinie sur ma tête
et prononças ces seules paroles d’une
voix accueillante et consolatrice : « Pourquoi es-tu abattu ? »
J’ai pensé alors que tu ne savais pas, ou que tu étais déjà dans un univers de plein
ravissement. Maintenant je sais que tu m’as oint la tête de pardon.
Je me dis pour alléger ma peine: peut être t’ai-je mérité
un jour par l’amour. Mais quel allégement est-ce quand ma pratique de cet amour
échouait à me rendre digne de toi? J’ai été injuste pour toi comme nul ne le
fut avec moi.
Adieu ma compagne, il n’est de plus belle
appellation ! Une compagne qui, par sa générosité, a fait croire à son compagnon qu’il est des
deux le plus fort alors qu’en réalité il est le faible le plus faible, et rien
ne révèle le vrai comme le retrait du Bien emportant sa couverture.
Mes yeux ne quitteront pas ton image à l’heure de la
séparation : ton visage était serein comme l’est l’âme du créateur au
moment où il sacrifie sa vie pour ses créatures.
Texte de Juillet 2004
Traduction : Avril
2016
No comments:
Post a Comment