L’exposition ne
disparaîtrait-elle pas sans un livre qui l’accompagne, l’éclaire et la
prolonge? Le livre ne serait-il pas, en dépit de maints attraits sensuels, du
seul ressort du savoir et de la mémoire? Et puis la nostalgie n’est-elle pas inculte
à l’heure où sens et réalités, au Liban
et en ses Arabies, restent loin du port d’attache et qu’un effort de pensée
et de communication s’impose pour interroger l’actualité et tenter de la
remettre sur les rails?
C’est au point nodal de ces trois interrogations que l’événement
Zaman anNadwa 1946-1975 tente de
réinvestir culturellement le cœur de Beyrouth, ce qu’on nomme platement aujourd’hui
le Centre Ville. Histoire richement illustrée de photos d’époque du Cénacle
Libanais dont le maître d’œuvre fut Michel Asmar (1914 -1984 ) et qui régenta
une bonne part de la vie culturelle du pays de l’Indépendance à la Guerre, le
livre scrute ce que la conférence, activité majeure de l’institution, a de
propre et de singulier, se penche sur son public, tente de donner corps à ses
413 conférenciers, prend le risque d’intégrer en un message unique, une sorte
de lettre posthume, ce que les preneurs de parole, en leur extrême diversité
d’opinions et de professions, ont essayé de dire ou projeté de faire…Cette
histoire propre à l’institution, les auteurs l’inscrivent en son époque et en son
milieu urbain. Nous assistons ainsi par pans successifs aux mutations sociales,
architecturales, intellectuelles, artistiques…de ce qui peut être considéré
comme des décades prestigieuses et annonciatrices d’orages de l’histoire
libanaise. Des clefs magiques, textuelles ou iconographiques, sont enfin là
pour multiplier les clins d’œil, ouvrir des cheminements et assurer des
partances.
Il serait sans doute faux de dire que le livre fut
totalement conçu en dehors de sa réalisation éditoriale. Mais celle-ci est
venue le magnifier et l’élever au rang de belle composition. La scénographie,
exploitant l’esthétisme inhérent aux pages, réussit à déployer le livre et à en
faire autre chose, une véritable féérie où on passe émerveillés entre les
panneaux.
Retour amont au point de départ de la Nadwa dont les
premières conférences furent données dans une salle de l’ALBA alors sise dans
le couvent aujourd’hui détruit des Lazaristes et remplacé dès les années 1950
par le digne immeuble jaune, l’exposition cherche par son aspect festif à
affirmer la force de la vie et son perpétuel renouvellement. Tournée vers le
passé et la mémoire, elle cherche par son programme de débats à mieux rendre
les Libanais maîtres, sinon de leur destin, du moins de leurs problèmes.
ILLUSTRATION: l'ancienne place Debbas d'où le Cénacle libanais régenta pendant un quart de siècle (1950-1975) une large part de la vie culturelle de la République.
*L’exposition Zaman
anNadwa (Les années Cénacle) 1946-1975 à la cour de l’immeuble
Lazarieh, rue de l’émir Bachir, inaugurée
le 27 septembre (avec lectures de textes par Roger Assaf) se prolonge jusqu’au
19 octobre. Conférences sur les lieux en arabe à 19 heures les vendredis :
le 28 septembre Milad Doueihi traite du
numérique « nouvelle façon de faire la société » ; le 5 octobre,
les auteurs du livre parlent du projet et de sa réalisation ; le 12, Jad Tabet
configure les « Images de la ville à l’ère de la postglobalisation » ;
le 19, Ibrahim Fadlallah, Ziad Baroud et Talal Husseini débattent de l’État de
droit.
Le livre (en langue arabe)
est dirigé par Renée Herbouze et Farès Sassine, conçu et réalisé par Saad
Kiwan. La scénographie de l’exposition est de Jean-Louis Mainguy.
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