Wednesday, 8 July 2015

"RACÉE" DE JOSEPH NOUJAIM, POÈME TRADUIT (II)

         


Planche de Matisse illustrant Les Fleurs du mal de Baudelaire

         Suit une tentative de traduction du poème de Joseph Noujaim (‘ariqa in Chi ‘r Joseph Noujaim, Dar Nelson, 2014), d’en retrouver les images, les sonorités et le rythme. Entreprise presque impossible.
         Le poème avait paru antérieurement dans le premier et le plus intense des recueils du poète Jassad, Dar Rihani, s. d.


1 Elle s’entortille ainsi qu'elle implore la rescousse
  Puis se réentortille  exaltant  la secousse

2 Ivre de déverser le bien de la nuit 
   Par la beauté elle se fait mal et nuit

3 Comme errer par la chair ferme, lisse, terreuse
   Et pâtir où elle est blonde et moelleuse
 
4 Comme deux seins dont l'un du toucher s'est suffi
    Et le second encor encor inassouvi

5 Amère est-elle racée qui dans la jouissance
   Se transfigure sur l’irréelle magnificence 

6 Ravive par la douceur des nerfs brisés flétris
    Et par la frénésie les renvoie anéantis 

7  L’infini narre ses yeux en lascives prières 
    La passion émanant de chacune des paupières

              
8 Tandis que son amour gronde par l’univers
   Les corps chutent sous la volupté de l’air

9 L’orgueil de la souillure-mère l’a assaillie
  Afin que tout orgueil sur la souillure plie

10 L’étendue de son aire est, du péché, la grâce
      Mais dans son sang ce qui  édifie et efface

11  Elle se découvre comme si par quiète nudité
      Elle réitérait : Couvre-moi, Destinée!

12 Seule à partager la couche du temps elle garde
     Un corps à consumer toute essence blafarde

13 A combler de splendeur le lit et à pétrir 

     En  délices la magie où dieux vont faillir


Cf. sur ce blog JOSEPH NOUJAIM POÈTE DU MAL, PRÉSENTATION ET TRADUCTION, janvier 2015

Friday, 3 July 2015

UN JOURNALISTE AMOUREUX DU DICTIONNAIRE





Orson Welles dans Citizen Kane

Serge July: Dictionnaire amoureux du Journalisme, Plon, 2015, 928 pp.

          On peut se faufiler dans ce Dictionnaire amoureux, un brin plus épais que de convention,  par « July (Serge)» et « Libération »: on saisirait à la source  l’itinéraire de l’auteur et les traits de son journal. Né à Paris sous l’Occupation, il apprend « ses premiers rudiments sur la lutte des classes à domicile » : la mère travaille sans arrêt et le père polytechnicien vit loin. Dans sa prime jeunesse, « tout était faux » : on l’appelait Patrick, ses parents n’étaient pas mariés, son frère portait un autre patronyme…Cette « overdose » de toc lui rend suspectes les apparences et l’oriente en douce vers un journalisme où il peut épanouir sa passion du présent. Etudiant communiste dans une Union  rebelle à la direction, sis dans la frange favorable à une évolution à l’italienne du Parti, il fréquente énormément, dans ces années Vietnam et Guevara, cinémas et théâtres et épouse les rêves de la Nouvelle Vague. Mai 68 est la « magnifique surprise » et de glissement en glissement, il débarque à 30 ans dans Libération, journal amorcé par Benny Lévy et J.P. Sartre en décembre 1972. Jusqu’en juillet 2006, il a pour « belle » mission d’orchestrer « un quotidien qui… a incarné une vision libertaire, en rupture avec la culture hiérarchique, normative et centralisatrice française. » 
          Du journal, Serge July n’est pas peu fier : certains matins il « fut le plus beau quotidien du monde » et « durant son histoire -qui n’est pas finie- le titre de presse quotidienne français le plus inventif, le plus découvreur, le plus insolent de son époque ». Il vint à son époque comme Le Monde et France-Soir  percèrent après la Résistance et la Libération, L’Express et Le Nouvel Observateur  à l’heure de la décolonisation impérative, de la montée de nouvelles classes moyennes et de l’ascendant récent des sciences humaines. Le moment de Libé, après mai 68, ce fut une sensibilité et une pensée libertaires dans un monde où prenaient fin les Trente Glorieuses, qui était en mutation à tous les niveaux et subissait les vagues successives d’un « grand tsunami hyper-capitaliste ». L’autorité flanchait dans toutes les institutions et les contestations se faisaient nombreuses, inventives et contradictoires.  Le journal se devait de prendre une autre actualité en compte et de lui donner un ordre et « le bon ». Le primat revint aux enquêtes et aux reportages et écarta les dogmes. De 1986 à 2000, le journal compte plus d’un million de lecteurs par jour, « un lectorat minoritaire mais de masse ». Des raisons de la réussite, des qualités et de la richesse de l’équipe, de la chance qui s’est parfois mise de connivence, des prévisions, batailles et ratages de cette longue guerre au quotidien de 33 ans, July fait un récit passionné et réfléchi, détaillé et somme toute heureux : Libé paraît toujours et tous les jours.




          Les 2 articles invoqués sont le fruit d’une pratique amoureuse et implacable du journalisme et mettent en abyme un Dictionnaire dont ils illustrent les pouvoirs. Informations denses, variées et choisies,  joliment narrées; mélange de l’actualité et de l’histoire, du personnel et du professionnel, des ficelles du métier et d’une culture vaste et étendue; florilège de citations et d’anecdotes pertinentes et peu connues de sorte qu’en permanence on se délecte et s’enrichit; un style simple et affirmé et un sens de l’humour toujours à l’œuvre…Peut être faut-il ajouter aux 2 exemples l’article « Beuve-Méry » sur celui qui fut à la tête du Monde (1944-1969) « l’incarnation du journalisme moral » : « Patron », « Solitaire », austère, spartiate (il sursaute quand de Gaulle en 1958 traite devant lui le journal de « divertissant »). A la fois modèle et contre-modèle pour July, il régit une époque qu’il clôt par la rubrique « Agitation » créée après 68. Cette têtière, par son ignorance méprisante de la contre-culture, justifie le passage d’un journalisme à l’autre. Mais quel article juste, vigoureux et bien documenté sur Beuve-Méry.  
          Ces entrées sur lesquelles nous nous sommes un peu appesantis n’occupent qu’une infime partie de l’ouvrage. On peut dans le labyrinthe percer d’autres trajectoires voire se fier à l’ordre alphabétique souvent riche d’agréables surprises : Renaudot qui, homme de Richelieu, contre par La Gazette « libelles » et « canards » suit John Reed « playboy révolutionnaire » (U. Sinclair) enterré dans le mur du Kremlin pour sa couverture « véridique et extraordinairement vivante » (Lénine) de la révolution d’octobre. « Réseau » article sur le nouveau médium universel qui change le monde précède «Révolution 89 » où sont également traités journalistes royalistes et révolutionnaires. A « W », nous avons à la suite « Watergate », « Wilde (O.) » et « Wilder (Billy) »…




          On peut créer ses propres constellations. Evidemment ce qui a proprement rapport à la presse, qu’il soit matériel (Leica,  Marbre, Machine à écrire, Papier…), ou communicatif (le français doit 3 mots essentiels à la presse anglo-saxonne, principalement américaine : reporter, éditorial, interview), organes (Le Canard enchaîné) journalistes, magnats de presse  ou grands reporters (A. Londres, J. Kessel)… Écrivains et penseurs (pour ne pas citer les politiques) tiennent aussi une grande part : Marx a assuré durant une décennie sa famille grâce à ses articles dans le New York Tribune, l’activité journalistique de Zola déborde largement son « J’accuse » et il s’appuie sur des enquêtes pour son œuvre romanesque, l’écriture de Simenon est une école de prose journalistique…Mais c’est surtout le cinéma de Citizen Kane à F. Lang, Antonioni…qui tire vers un côté ludique l’ouvrage.

          On ne rend pas justice à ce Dictionnaire amoureux si on ne montrait dans la microstructure de ses articles le travail sapiential, littéraire, esthétique. 2 illustrations. « Bidonnage & Cie » peut paraître une fastidieuse énumération des erreurs et mystifications de la presse, y compris la fameuse une de Libé le jour de l’assassinat de Bachir (14/9/1982) : « La baraka de Gemayel ».  Mais l’article est introduit par une narration du film de John Ford L’homme qui tua Liberty Valance (1962) qui pose la question : faut-il choisir la légende ou la vérité ; il se conclut par ce qui différencie les USA de la France dans ce domaine : la présence de fact-checkers et l’assomption de la responsabilité du bidonnage. « Watergate » explique tout ce qui a rendu l’enquête du Washington Post possible et efficace, mais note des obscurités non éclaircies et mentionne la mystification ultérieure de Bob Woodward lors des ADM en Iraq. Comme le disait Oscar Wilde : «  La vérité est rarement pure et jamais simple » 



      

Wednesday, 24 June 2015

جائزة ميشال زكور 2015 لشارل رزق





فارس ساسين، شارل رزق، جان هاشم
سيداتي، سادتي،
أيها الحفلُ الكريم
للعام الثالث على التوالي نجتمع في هذه الدار  التراثية الرحبةوفي هذا اليوم من هذاالشهر الذي شهد غياب ميشال زكور لمنح  الجائزة التي تحملُ اسمَه وتُعطى لكتاب أو رسالة أو بحث الفّه  لبناني بإحدى اللغات الثلاث العربية والفرنسية والإنكليزية عن موضوع اقتصادي أو سياسي أو ثقافي لبناني. لم يعش ميشال زكور طويلا(1896-1937)فهو توفي عن واحد وأربعين عاما. لكن هذا العمرَ القصير كان كافيا لتأسيس صحيفة المعرض وإصدارها ماينيف عن الخمسة عشر عاما(1921-1936)ولإثبات جرأته في الحقبة الانتدابية الفرنسية ولصياغةوطنيةٍ لم تكُن مألوفةً في العشرينات والثلاثينات من القرن الماضي، وطنيةٌ تدعو لاستقلال لبنان التام دون العداء لفرنسا ودون التنكّر للصداقةمع الدول العربية المجاورةوفي طليعتها سورياولحقّها في التحرر والسيادة، وطنيةٌ لا تستثني لبنانيا من لبنانيته وتدعو إلى سيادة القانون والعمل بالدستور وتُعادي كل طغيانٍ وظلامة. هذه السياسة صاغها ميشال زكور بمهنية عالية ورائدة في مجلته مفسحاً لجميع التيارات الوطنية الكتابةَ على صفحاتها، مضيئا على كل الأحداث الاجتماعية والاقتصادية التي حصلت /  من زواياها المتباينة/ مستشرفاً ما لهُ الطابعُ البنيوي والمستقبلي، جاعلا من المعرض دوريةً ثقافية بامتياز يَنشُرُ فيها كبار الشعراء والأدباء نتاجهم. وهذه السياسة انتهجها أيضا في الحملات الانتخابية والعمل البرلماني والممارسة الوزارية مما شكّل معالما للمرحلة الاستقلالية وما يزال يشكل دروباً مضيئة لنا.


                      ***

   تنوّعَ الانتاجُ اللبناني وباللغات الثلاث في العام 2014. وقرأت لجنةُ الجائزةِ العديدَ من الكتب القيّمة وتوقفت عند بعضٍ منها لجديدها لجدّيتها ولإنارتها جوانبَ عدة من الواقع اللبناني وتاريخه وقررت بعد نقاش مستفيض منح جائزة ميشال زكور لهذه السنة للدكتور شارل رزق عن كتابه بين الفوضى اللبنانية والتفكك السوري الصادر عن دار النهار للنشر. الجائزة كما هو معروف لا تُعطى لكاتب فرد أو لمجموع مؤلفاته إنما لمصنّفٍ بالذات. وجاء كتاب شارل رزق صاحب المؤلفات المكتوبة بالفرنسية ومنها Le Régime politique libanais  الصادر عام 1966/ ومدير عام وزارةالأنباءبين 1967 و1970/ ورئيس مجلس إدارة تلفزيون لبنان من 1978 إلى 1982 / ووزير العدل بين 2005 و2008،// بين مؤلفات ومهام جليلة أخرى،// جاء الكتابُ إذن بأهمية موضوعه وراهنيته/ ونبلِ غايتِه ومرماها الوطني الإصلاحي / ومنهجِه السليم/ وأسلوبِ معالجتِه الواضحِ والفصيح / وسعيه الحثيث للخروج من الدوّامة الحالية والواقع المأزوم بواسطة سلّة اقتراحات تعيدُ بناءَ النظامِ السياسي على قواعدَ جديدةٍ تُدهش ببداهتها واعتمادها الحسّ السليم وامتداد جذورها في عمق التاريخ اللبناني.
يقول المؤلف إنه لم يُقدِم على كتابة مذكرات بل أن "هذا الكتاب هو نتاجُ تجربة شخصية في الحياة السياسية اللبنانية"؛ ويخصص فصلا لإنشاء المحكمة الدوليةالخاصة بلبنان وكان له دورٌ كبير فيه إبّان توّليه وزارة العدل ذاكرا ما يعتريه من اعتزاز لعملها/ ومن أسى "لرؤية وطن(ه)لبنان محروماً من دولة تحمي أبناءه وتَضمنُ استقلالَه". وهكذا تُكَرّم جائزة ميشال زكور، عبر الكتاب ومعه، المؤلف الدكتور شارل رزق.
                  ***
   العلاقات اللبنانية السورية مسألةقديمةقِدم البلدين وأساسيةلسيادة كلّ منهما ورفاهيته. وردت في افتتاحية العدد الأول للمعرض في أيار 1921 إذ أضاف ميشال زكور إلى إعلانه "خدمةالمعرض لبنان خدمة مجردة من القيود والشروط": "سوريا جارة لبنان بل جارته الكريمة".             
   أخذت هذه العلاقات أشكالا مختلفة منذ الاستقلال عام 1943 ويتابعها شارل رزق بتأنٍ وعُلو عبرَ هذا التاريخ / حريصاً على الخلاصات والعِبر/ مبتعداً عن التفاصيل / مهتماً بالدروس فيما يعني لبنان "وطنُ التناقضات، المحكوم بقانون التنوّع." يقسم كتابه إلى أقسام ثلاثة يعالج فيها الأولُ "تبخّرَ الدولة اللبنانية" الذي قاد عبر اتفاقية القاهرة عام 1969 والحرب التي يدعوها أهليةً إلى "الوصاية السورية" وانتقال عاصمة لبنان الفعلية إلى بلدة عنجر البقاعية. يدرس القسم الثاني علاقات لبنان ب "التفكّك السوري" مظهراً كيف دخلت العلاقة الثنائية في تحالفات إقليمية ودوّلية تتعدّاها. وفي القسم الأخير يحاول رزق أن يرسم موقعَ لبنان في المناخ الدوليّ وفي المعادلة الإقليمية بعد 2013 متسائلا "هل يصبح لبنان دولة يوماً؟" داعياً "إلى إعادة بناء نظامنا السياسي عبر اعتماد قانون انتخابي يوفّق بين تمثيل التعدّدية الطائفية، وانتاج ثنائية سياسية تؤمّن استقرار الحكم والمراقبة البرلمانية الفعّالة، وقادرة على مساءلة الحكّام".
   يبدو شارل رزق أحيانا سريعا أو متسرعاً في أحكامه لكنه يبقى، رغم استعصاءِ الأوضاعِ وسوادِ الكثير من التوصيفات، رجلَ الأمل والدعوة إلى العمل الدؤوب الوطني المخلص.
   فمبروكة عليه الجائزة!         

Friday, 5 June 2015

NAJWA BARAKAT AUX SOURCES DU LANGAGE








Najwa M. Barakat: La Langue du secret (Lughat al-sirr, 2004), roman traduit de l’arabe par Philippe Vigreux, Sindbad/Actes sud-L’Orient des livres, 2015, 256 pp.
Dans quelle contrée et en quels temps se déroule l’action de La Langue du secret ? la province est rurale et l’empire vaste et vétuste ; l’époque n’est pas très éloignée et on y croise voiture, cigarettes et fusil… Najwa Barakat a l’habitude de gommer, dans ses fictions, les paramètres précis pour éviter les querelles oiseuses. Mais cette fois son « crime » est presque parfait, s’agissant d’une intrigue policière : la romancière évoque des sources et des auteurs, touche à la langue du Coran, contracte le nom de la plus célèbre des sectes ismaéliennes du IXème siècle…mais parvient à se désengager de toute référence à une religion particulière, ou à les impliquer toutes comme il ressort des premières lignes du récit. Nous sommes dans ce que Nâbigha appelle (dans la traduction de Berque) « le passé de toujours ».
La confrérie de la Fidélité réunit au sommet d’une colline un petit nombre d’adeptes choisis, des ascètes habités par la foi dans le bien, l’amour des hommes et le désir de s’anéantir en Dieu. Chacun des neuf  membres a reçu novice le « nom d’un grand savant des lettres et des nombres ». Leurs débats, animés par un grand-maître, tournent principalement autour des lettres de la langue  et ils cherchent à rédiger un dictionnaire de leurs symboles secrets. Pour eux, elles ne sont pas œuvre de l’homme ou pure convention mais « révélation » et « institution divine ». Toutefois cette doctrine a été naguère contestée et le frondeur s’est retiré du groupe. Les Ikhwan tiennent essentiellement leur légitimité de la Table du destin (lawh alqadâ’ wal qadarr) auprès de laquelle ils vivent et pour laquelle ils recrutent un gardien. Renfermée dans un coffre, sa seule approche est réputée consumer par le feu quiconque l’oserait.
Au pied de la colline, le village d’al-Yousr, dont le nom évoque l’aisance de vivre, et d’autres proches et lointains, bénéficient du saint voisinage. Leurs habitants viennent en famille quêter la bénédiction pour eux, leurs malades et même leurs bêtes. Les frères leur distribuent des talismans, des amulettes, des remèdes, de l’aumône. La paix des bourgs est largement tributaire de la béatitude avoisinante. La perturbation  de l’une se répercutera sur l’autre et des liens secrets se mettront au jour, le papetier d’al-Yousr se révélant être ‘Abdallah al-‘Alaylî (1914-1996) l’ancien adepte contestataire.
La Table du destin est volée et le Chef de la Sûreté (Al ma’mour) du district est appelé par le gouverneur à se rendre sur place pour éclaircir l’affaire. S’il avait rêvé dans sa jeunesse de semblables enquêtes, à présent les maux, l’ennui et la paresse lui ont fait perdre sa confiance en soi. Avec le garde champêtre (Al khafîr) qui lui servira de Watson et d’Adso, il fera un  détective imbu de modernité tout en étant exemplaire dans son appartenance aux traditions orientales.
Il ne saurait être question de résumer ici une intrigue très riche, dont les épisodes sont savoureux et les surprises multiples. Contentons-nous d’un point capital pour capter l’intelligence de l’œuvre et son enjeu sacrilège: le voleur de la Table n’a rien trouvé et le coffre ne contenait que de la poussière. On peut imaginer les retombées de cette absence sur les croyances, les acteurs et les rôles sociaux. Najwa Barakat s’en empare pour aborder sa thématique majeure : la dynamique des groupes confrontés à un défi et la violence contre soi et les autres qui émane alors d’individus dont la quiétude paraissait le trait saillant.
Par bien des aspects La Langue du secret rappelle Le Nom de la rose (1980) : enquête policière et importants enjeux culturels dans une époque lointaine saisie dans ses particularités. Mais contrairement à l’œuvre d’Umberto Eco, nous n’avons pas tout au long des chapitres un seul narrateur. L’optique ne cesse de changer et elle n’est pas astreinte à une seule règle : tantôt le personnage est suivi en plusieurs chapitres, tantôt en un seul, tantôt il est abandonné pour un autre dans le même chapitre. Notons que l’emploi des guillemets dans la traduction française permet de mieux suivre les passages d’un personnage à l’autre.  Cette pluralité de regards dans une intrigue fortement liée permet à l’auteure de combiner contes et roman, de se rattacher à une tradition arabe ancienne et de s’approprier la modernité de la forme romanesque, de ne jamais perdre de vue la concrétude des êtres et des choses tout en singularisant tous les personnages, même les moins importants.

Najwa Barakat a-t-elle écrit en 2004 la plus ambitieuse de ses œuvres cherchant à approcher les sources du langage, à saisir le secret des cultes, à bousculer la hiérarchie du bien et du vrai ? ou a-t-elle créé, se fiant à une trame policière, une libre fantaisie ludique? On peut aller dans l’un ou l’autre sens. S’il est indéniable qu’elle a la passion des mots et de la langue et veut porter le message des Lumières sur des institutions pérennes, message qu’elle trouve chez des auteurs arabes comme Ibn Jinnî et al-‘Alaylî, on peut dire surtout qu’elle a composé un divertimento léger et allègre malgré sa noirceur apparente, ses violences et la gravité  des problèmes qu’il aborde.

Monday, 1 June 2015

SAMIR KASSIR Prose pour les 10 ans 2005-2015











Une éternité a passé par ces temps onéreux, mais nulle rouille et aucune odeur funéraire

Les crimes sont seuls dans leur persistance monotone

L'éditorial entamé ne se renverse plus dans un paradoxe et une vision

Le don continu ombragé, stimulé par l'immodestie et le sarcasme est encore superbe

 La saveur de nos combats, leur mécréance, les dissipations décadentes réchauffent sans consoler

Et puis ta geste magique de détruire le malheur arabe avant de l'incarner, de le pousser à l’incandescence 


Saturday, 23 May 2015

WAGONS LIBRES DE SANDRA ICHÉ À HANGAR UMAM






Hier au Hangar Umam[1], Samir Kassir, assassiné en juin 2005, connaissait les lueurs de son samedi saint!
Les interviewés ( Ahmad Beydoun, Fawaz Traboulsi, Omar Amiralay, Ziad Majed, Charif Majdalani, Jad Tabet, des compagnons de L'Orient Express, mensuel que Samir fit paraître à Beyrouth entre 1995 et 1998...) projetés sur écran[2] de Wagons libres bataillaient  dans leurs visions futures du présent contre une actualité arabe survoltée et s'en sortaient le plus souvent par l'humour, la fantaisie, un optimisme gracieux  et une hauteur certaine. Le texte de Sandra Iché ne cessait d'être étonné et étonnant, captivant et limpide.  Fluide du personnel à l'historique et dans la direction inverse, il était servi par une présence puissante sur scène où l'auteure/actrice/danseuse déployait ses multiples talents, sa voix et son phrasé.

" Ne prenez pas ma danse au milieu de vous pour une danse de joie
L'oiseau égorgé danse aussi de douleur!"
 Le vers arabe  me sembla tout à la fois seyant et déclassé.







[1] Ghobeyreh, banlieue de Beyrouth.
[2] Dans un matériel cinématographique vaste, Sandra Iché a choisi ses propres pics. 

Friday, 8 May 2015

«REGARDER PAR-DESSUS L’EPAULE DE DIEU »: FERRARI & HEISENBERG






Jérôme Ferrari: Le principe, roman, Actes Sud, 2015, 161pp.
          On lit ce volume comme un bréviaire en raison de la semblance matérielle (10x19), mais surtout à cause de l’ampleur des enjeux et de la forme singulière : une apostrophe vigoureuse lancée de la première à la dernière page. La personne vouvoyée n’est pas un héros de fiction à la Butor, mais  Werner Heisenberg (1901-1976) l’un des 4 plus grands savants du vingtième siècle. Les 3 autres, Einstein, Planck et le danois Niels Bohr sont présents dans l’ouvrage, le premier comme principal contradicteur, le dernier comme révélateur précoce de l’identité des vocations de physicien et de poète, comme inégalable questionneur et comme autorité morale.
          Très jeune encore, en 1927, Heisenberg énonce par une équation mathématique simple et concise le principe d’indétermination (ou d’incertitude, il hésite sur l’appellation).  Toute précision dans la connaissance, pour un corpuscule donné, de la position et de la vitesse, se fait au détriment de l'autre. Cette incertitude n'est pas liée à la mesure, mais est une propriété réelle des valeurs en question. Einstein et d’autres savants  trouvaient que ces idées entraînaient la physique loin de son idéal permanent, la description objective de la nature.  Dans Le Principe, Jérôme Ferrari est peu intéressé par les minuties scientifiques.  Mais il résume ainsi la nouvelle vision : on ne peut plus connaître le fond des choses non en raison d’un défaut particulier à nous, mais « parce que les choses n’ont pas de fond ».  Quelques années plus tard, Heisenberg obtient le prix Nobel (1932) « pour la création de la mécanique quantique. » Les nuages de l’hitlérisme se profilaient déjà à l’horizon.
          Le projet de Ferrari ne se contente pas d’interpeller le savant sur les grandes étapes  d’une « trajectoire » dont il a fait disparaître l’idée (il s’appuie sur son autobiographie, le témoignage de sa femme, des enregistrements d’époque, des photos, des entrevues…), mais cherche à se mettre en rapport avec celui qui voulait «regarder par-dessus l’épaule de Dieu ». Il est de s’interroger sur les rapports de la physique nouvelle, si radicale et si déstabilisatrice, avec les vertiges de la beauté, l’horreur de l’histoire, le destin efficace de toute « créativité ». Que pouvait signifier pour Heisenberg (et bien des savants allemands) rester dans la patrie sous le nazisme puis chercher à construire un réacteur nucléaire pour la Wehrmacht?  Mais aussi que pouvait signifier une activité semblable pour Oppenheimer aux USA ? Ferrari, qui a sur les acteurs de l’époque la « supériorité » de sa « date de naissance », ne peut poser ses questions qu’à partir d’un début de siècle aussi trouble et hostile.             

          Certains critiques ont voulu voir dans le présent roman de l’auteur du Sermon sur la chute de Rome (prix Goncourt 2012) une panne d’inspiration. Or non seulement Ferrari y confirme la maîtrise de sa phrase et la puissance de son verbe, mais surtout il étend les frontières de la forme romanesque au-delà de la biographie, l’essai, la réflexion dense sur les aspects les plus cruciaux du monde moderne. Et il le fait sans égarer son positionnement personnel ni tempérer son souffle littéraire. Le Principe est un roman à lire et à retenir.      

AINSI VONT LES AMOURS D’ENFANCE ?






Michèle M. Gharios: À l’aube de soi, roman, La Cheminante, 2015, 196 pp.

          Entre Wuthering Heights, le roman de la vengeance amoureuse, et Barbe bleue, le conte du secret marital protégé, Michèle Gharios nous donne à lire le récit de la naissance d’un amour dans l’enfance et l’adolescence puis celui de la vie conjugale qui a suivi, le tout sur fond de la guerre du Liban et de la paix qui lui a succédé. Autant les premiers pas de la passion entre un étudiant milicien, angélique et démoniaque, et sa cadette de quatre ans au tempérament « franc et gai » sont décrits en leur romantisme, ludisme et  ambiguïtés dans la montagne libanaise, autant la vie en commun, à Paris et à Beyrouth, est dépeinte comme une descente aux enfers. Le vétéran se fait de plus en plus distant et agressif ; il finit par incarner le mâle oriental despotique, ne cesse de chercher à humilier et « lobotomiser » une épouse qui l’aime et le respecte et de la pousser à se détester. Un événement s’est intercalé entre les 2 grandes séquences romanesques : la narratrice a livré, avant le mariage, son corps  « au bon vouloir d’un amoureux de passage ». Un détail est au foyer de la fiction : des caisses que le mari interdit à la femme, qu’il lui arrive de relire longuement et où il a consigné ses souvenirs d’enfance et de pensionnat.

          Après s’être illustrée dans la poésie, Michèle Gharios signe avec À l’aube de soi son second roman. La métaphore du titre est simple et jolie, mais le « soi » n’est jamais sûr : son origine remonte toujours en deçà (les caisses) ou il est continuellement à naître de la décision de se libérer et de s’assumer (la fin du roman). On retrouve dans l’ouvrage les principales qualités de l’auteure : l’élégance, la limpidité, l’ « élévation ». La guerre libanaise est traitée avec beaucoup depudeur, sans haine, sans parti pris. Le style est imbu d’une poésie discrète et épouse le rythme de la narration ; pas de pathos, peu de moralisme, mais sans doute l’abus d’une psychologie et d’une psychanalyse faciles…dans le traitement d’une histoire dense et violente. Terminons sur cette phrase bucolique mais non sans ambivalence : « Le paysage était différent, et le chemin semblait tout autre avec les arbres dénudés et le tapis vert qui donnait à la montagne l’allure de pâturages inattendus où paissaient les maisons de pierre, et les treilles où s’enroulaient les troncs de vignes comme des serpents. »   

Thursday, 2 April 2015

SITT NAZIRA, CHATELAINE DU CHOUF








Chawkat ’Ichtay : Al Sitt Nazîra Jounblâtt, Min hudûdd al ‘â’ila ’ila rubû‘ al watann (Des limites de la famille à l’orée de la patrie), Dar anNahar, 2015, 280pp.
          La biographie est un art à part entière se cherchant contre les portraits élogieux ou polémiques justifiés par le choix du sujet. Il doit cacher, sous une captivante narration, les bonnes questions sur l’individu et l’époque et réunir  la plus ample documentation pour y répondre. Les Jounblatt, plus qu’aucune autre dynastie politique libanaise, semblent avoir la faveur du genre. Au grand livre consacré à Kamal, al mou‘allem, (1917-1977) par Igor Timofeev en 2000 (écrit en russe et publié en arabe puis en français), un autre volet vient de s’ajouter dû au politologue  Chawkat ’Ichtay. Il porte sur sitt Nazîra (1890-1951) «la femme la plus éminente de l’histoire libanaise » sans être pour autant une féministe. Elle régna sur le clan Joumblattiste tout au long du Mandat français et aux premières années de l’Indépendance et réussit à faire du palais de Moukhtara le lieu de passage obligé de la politique nationale.
          C’est l’assassinat de son mari Fouad Jounblatt (1885-1921), nommé par les autorités françaises administrateur (qa’im maqâm) du Chouf qui propulsa la jeune veuve au premier rang. Sans probablement être personnellement visé,  il fut la victime d’un rebelle, chef de bande opposé aux réalités nouvelles. Ses enfants Kamal et Linda avaient moins de 5 ans et la lignée remontait loin dans l’histoire, là où la légende se collera aux faits tant que les archives ottomanes n’auront pas démêlé l’écheveau. Mais le pouvoir et la notoriété des Jounblatt étaient indéniables depuis la bataille de ‘Ayn Dara en 1711 où le parti qaysî triompha du parti yamanî et où un nouveau bipartisme remplaça l’ancien, dans la tradition arabe pure et pérenne; ils avaient réussi à devenir la première famille druse et les chefs d’une des 2 polarités, lui donnant leur nom et faisant face  aux yazbakîs. Au XIXème siècle, leur histoire fut mouvementée connaissant des sommets et des abîmes. Malgré leur victoire militaire durant les troubles communautaires de 1860, l’intervention française conduisit à l’exil leur chef Saïd Jounblatt, grand père de Fouad et de Nazira, cousins croisés, elle appartenant à la branche moins prestigieuse de ‘Ayn Quny. Pour parler des druses,’Ichtay utilise le terme Almuttahadd (communauté), terme qui va  au-delà de la confession religieuse et qu’il emprunte sans doute à Antoun Saadé qui cherchait à prendre en compte les acquis de l’anthropologie culturelle: « la communauté de vie fait naître des mentalités et des caractères communs tels les us et coutumes, les parlers, les costumes …» (La Genèse des nations, 1935) ; pour désigner le « parti » Jounblatti, il a recours à Algharadiyya (coterie, clan), terme plein de saveur mais qui reste à préciser.
          Comment Sitt Nazîra a-t-elle pu imposer son autorité dans un milieu social traditionnel où la prééminence du mâle est « naturellement » admise ? Comment a-t-elle réussi à sauvegarder la prédominance de sa lignée propre sur celles des autres branches de la famille (Bramyyé et Beyrouth)? Comment a-t-elle pu, dans le jeu de la bipolarité druse Jounblatti-Arslani, maintenir et accroître la force des siens ? Comment a-t-elle pu pratiquer une politique qui dévie des bonnes relations traditionnelles des druses avec les Britanniques et, à l’heure de la grande révolte syrienne (1925-1927) éclatée au Djebel-druse , et de l’extension de la rébellion à certaines régions du Liban (Rachaya et Hasbaya…), sauvegarder la paix civile au Chouf, rester en excellentes relations avec les autorités mandataires et donner sa chance à l’option libanaise ? Ce ne sont pas les questions qui manquent à l’auteur et ses investigations pour trouver des éléments de réponse sont nombreuses et vont des témoignages de survivants aux sources écrites disponibles.
          La Fortuna, au sens machiavélien, a certainement aidé la grande dame -à l’instruction moyenne- à occuper sa place. Les rivaux familiaux se sont, pour diverses raisons, retirés du e la compétition. Des données objectives, comme l’impératif  pour la gharadiyya jounblattia de se donner un meneur et l’appui français, ont joué un rôle déterminant. Mais c’est évidemment la Virtù de l’intéressée, ses mérites propres qui l’ont imposée : son abnégation pour la lignée (essentiellement son fils) ; sa lecture perspicace et bien conseillée des nouvelles données régionales ; ce mélange adéquat de traditionalisme et de souplesse, cette profonde connaissance des mœurs de la région et des équilibres politiques internes et externes à la communauté ; une volonté sans faille centrée sur un but précis et agissant en conséquence avec la générosité nécessaire: la préservation de la za‘ama et de ses assises sociétales ; l’usage d’un collectif rodé et éprouvé et l’instauration d’un consensus du clan autour de la dirigeante…Un dernier chapitre est consacré à l’entrée dans l’arène politique de Kamal Jounblatt à partir de 1943 et aux différends et différences entre le fils et la mère.

          Nous adresserons cependant un double reproche à cette biographie soignée. D’une part, elle ne donne pas à la narration historique, à l’intérieur d’une période plus courte par le nombre des années que par l’importance des événements et leur succession rapide, sa pleine portée. Ainsi certains faits relatés deviennent incompréhensibles en dehors de leur contexte immédiat (avant ou après l’Indépendance, avant ou après l’entrée des Britanniques en 1941…) D’autre part, et à l’heure où se constitue l’Etat libanais (constitution de 1926, traité franco-libanais et arrêté 60 L/R de 1936, élections et lois électorales, naissance d’un bipartisme national…), celui-ci est le plus souvent occulté entre la puissance mandataire, la communauté druse et les aspirations nationalistes arabes. Or la plus grande gloire de Nazira Jounblatt est d’avoir rendu la République libanaise possible. Reconnaissons à sa politique son extrême sagesse.      

جودت فخرالدين شاعر التنزّه









السيدات والسادة[1]
       في ندوة[2] عُقدت في العام 1997 عن ديوانه الصادر يومها منارةٌ للغريق، دعيتُ إليها باسم صداقة جودت وإكبار الشعر، شدّدتُ من جهة على أمانة هذا الشعر وصدقه واستقامته، أمانته على اللغةِ وقواعدها، وعلى التراثِ وبحوره وتفعيلاته، وعلى الوجدان والذات، وتلمّس الصدق في التعبير دون الإفراط في الانفعال والتشبيه ومع الإحترام الخالص للمُعاشِ والبيان، ورفض اللفظية والرتابة عبارةً وصورةً وصياغة. وأشرتُ، من جهة أخرى، إلى ما يَعْرو هذا الشعر من هواجس السلبِ والضعفِ والخواء ف "الليالي اتلفتنا" و"أرواحنا مطفآت" في "زمن رخو" وفي سِنٍ (قصيدة " الأربعون" ) مضى فيها العمرُ وهو بعدُ لم يبتدئ! طبعاً لا هدايةَ إلا الشعر:
"كلماتٌ،
هي الديارُ،
هي الأرضُ لنا، والسماءُ والأشياءُ"
لكن هل يكونُ الشعرُ غيرَ " منارةٍ للغريق"؟

       منذ ذلك التاريخ، أقرأ قصائد جودت، جلّها أو بعضها، فأكتشف في كل نصّ جديد لا ما شفى جودت من "السأم" و"التهاوي" و"الذبول" و"الاضمحلال"، بل ما يشفيني وما يشفي كل معاصر في زمنٍ "ثقيل" شاع فيه "الخوفُ" و"الولولة". وليس الشفاءُ العبارةَ الصالحةَ أو الكافية أو الصائبة، بل هو الشعر في جوهره الإبداعي الذي يسمو بقائله وسامعه إلى ما لم يكن. يصالح الكلامَ مع الكَون، يفضّ بكارةَ كل منهما ويوجِدها ويحققها، يوائم الذات مع الذات، فيحرر ما رزحَ منها تحت العصر الكئيب واليأس والرتابة.
       هل نعلمُ ما الشعر؟
       هل للشعرِ ماهيةٌ وحَدّ؟
       أم ان كلَ شاعرٍ كبير يوّسعَ المساحات ويُطلِقَ الفضاءات ويمحو حدوداً مرسومة ويرسم دياراً جديدة؟
       " فلا السهلُ سهلٌ
       ولا الليلُ ليلٌ"[3]
       لكنهما، السهلُ والليل، لم يكونا برهةً ذاتيهما مثلما صارا عليه في قصيدة " شظايا" (أيلول 2006) مقاومين صامدين أليفين ماديين حسيين يلهوان  مع التين "أصلُ الحديقة، بهجتُها" ومع ضباب
 "أضاعَ وجوه القرى،
 وتقوّض بين حطام البيوت".
       ومن الأشياء إلى الذات ينتقل الشاعر في " لم تدعْني السماءُ وشأني"، مقيّما ما تمليه المعتقدات، رافضاً الخضوع، لاعبا لاهياً غير عابئ أو واهم، له حبور الشعر وإبتكار النفس واحترامها.
" أظلُّ كنجم ٍيحاذرُ مصرعَهُ بين هاويتيْن،
ويلمعُ في خوفِهِ،
كمصادفة ٍلامعهْ."

       وفي " قصيدة... أو أجمل"، وهي من أبدع الغزليات في اللغات كافة، يخرج جودت من فرديته وخشيته ووساوسه إلى وحدة المثنى والحب والفرح، محققاً الودادَ بأبهى حِلَلِه في رتابة الرحلة اليومية وبساطتها، رحلة الحياة المشتركة.





       كنتُ أرى في جودت فخر الدين شاعر التعالي[4]، وأرى اليوم أنه في تحولاته الحالية شاعر التَنَزُه، وفي التنزّه النزاهة  والتنزيه والنزهة، الترفعُ والأمانة والمجازفة ومتعة الترحال والتجوال في الطبيعةالفسيحة. حافظ جودت على الأمانة والصدق والاستقامة وأفاض عليها اللهوَ والحرية والفرح:

"لم تدعْني السماءُ وشأني،
سَمَتْ بي على كلِّ أرض ٍخطوْتُ بها،
نزّهتْني بكلِّ البلاد ِ، وعنها."


       فتحيةٌ من القلب لشاعر التنزّه
       وشكرا لكم!




[1] كلمة ألقيت بمناسبة تكريم الشاعر بدعوة من " المنبر الثقافي" في " جمعية التخصص والتوجيه العلمي" في 31/3/2015 في قاعة المحاضرات التابعة للجمعية، الرملة البيضاء. ألقى الشاعر قصيدتين بعد كلمة عباس بيضون وكلمتي.
[2] شرفة متعالية، عن منارة للغريق لجودت فخرالدين، كلمة ألقيت في ندوة عقدت في دار الندوة بمناسبة صدور الديوان بتاريخ28/2/1997.
[3] ليس بعد..، بيروت، 2006، ص 113.
[4] "شرفة متعالية" عنوان إحدى قصائد منارة للغريق.